Lecture analytique :
Chapitre 3 de Candide, du début jusqu'à
« n’oubliant jamais Mlle Cunégonde »
Candide ou l'Optimisme est un conte philosophique de Voltaire paru à Genève en janvier 1759. Il a été réédité vingt fois du vivant de l’auteur, ce qui en fait l'un des plus grands succès littéraires francophones. Seulement un mois après sa parution, six mille exemplaires avaient été vendus.
Biographie de Voltaire
Introduction
1) L’auteur
(Cf. Texte Bac 1)
2) L’œuvre Candide (Cf. Texte Bac 1)
3) Le texte – Situation
Après avoir été
chassé du paradis de Thunder-Ten-Tronckh, Candide est enrôlé de force dans
l’armée bulgare. Il se trouve confronté, de manière inévitable à l’expérience
de la guerre. C’est l’occasion pour voltaire de concilier les impératifs
narratifs du comte (une succession d’épisodes auxquels est mêlé le héros) et
les objectifs philosophiques (montrer que rien n’est pour le mieux).
4)
Problématique
Voltaire est
confronté à deux visions de la guerre :
Le spectacle des
armées rangées est l’occasion d’un tableau esthétique où la violence est
valorisée. L’envers du tableau donne la réalité de la guerre et l’horreur du
sort des populations civiles.
Comment Voltaire
dénonce t’il la guerre de manière particulièrement efficace en jouant sur les
points de vue et les oppositions ?
Ce passage fait
allusion à l’histoire contemporaine, de 1756 à 1763, la guerre des 7 ans fait rage (GB et Prusse contre France
et Autriche), les massacres sont fréquents, les enrôlements forcés, tout comme
la désertions avec les châtiments.
5) Lecture (Lire
le texte)
6) Annonce du plan (à la question posée…)
I.
La valorisation de la guerre : une vision esthétique et
philosophique
Le texte commence
par une vision esthétique et l’accent est mis sur l’aspect héroïque (mise en
scène de héros).
- L’aspect esthétique
1ére phrase, on a
une énumération de 4 adjectifs très élogieux et termes valorisants intensifiés
par « si ». Elles mettent en valeur 4 catégories. La beauté,
l’élégance, la lumière et l’ordre. Ces qualités sont des qualités esthétiques
qui font penser à un spectacle. Derrière cette hyperbole, on peut voir le
regard émerveillé de Candide.
Harmonie visuelle et
auditive. On peut dire que le théâtre de la guerre est un spectacle total. On a
une énumération des instruments de musique. C’est hyperbolique car il n’y a pas
autant d’instruments de musiques sur un champ de bataille mais réaliste car les
musiciens précédaient les troupes dans la guerre réellement. Le mot
« harmonie » renvoie explicitement à Leibniz et à son harmonie
préétablie. Dans cette perspective, la guerre s’inscrit dans une logique d’une
volonté providentielle.
- Le point de vue
Voltaire adopte le
point de vue naïf du jeune Candide qui considère la guerre avec ses préjugés
philosophique. La guerre est un jeu séduisant pour Candide : « Les
canons renversèrent d’abord à peu près six milles hommes ». Le mot
« renverser » fait penser à des soldats de plomb qui tombent. Cela
déréalise la scène de la guerre.
- L’aspect moral
La guerre est
moralement et socialement valorisée et justifiée. On le voit au choix des
termes « coquins » et « infectés » qui présentent les
victimes comme des parasites dont la disparition est anodine voir bénéfique. La
guerre est présentée comme une œuvre utile et équitable.
On a une
comptabilité abstraite et globale, une énumération de chiffres qui s’intègrent
dans un total donné à la fin.
L’importance des
chiffres semble valoriser la guerre dans la mesure où plus il y a de mort, plus
le succès est grand.
Il y a une absence
totale d’émotion qui justifie cette
interprétation. Mort n’est qu’une abstraction.
- L’aspect philosophique
Tout le passage est
une illustration des leçons de Pangloss. La guerre est débarrassée de son
horreur par le langage. La manière dont on nomme les choses fait que c’est
valorisé.
Ce vocabulaire
philosophique dans un ordre naturel.
Conclusion
au I.
Ainsi Candide
demeure attaché à sa référence idéologique, les enseignements de Pangloss.
Il est incapable
d’analyser correctement une situation parce qu’il est prisonnier de ses dogmes
stériles. L’absurdité des idées de Leibniz n’en apparaît que mieux au lecteur.
II.
La boucherie : Un tableau pathétique
Dans la deuxième
partie du texte, on a un deuxième point de vue. L’éloignement volontaire du
champ de bataille conduit Candide à l’arrière où il va découvrir les effets de
cette boucherie héroïque sur les populations civiles. La dénonciation prend
dans la deuxième partie du texte la forme d’une vision réaliste de l’horreur.
- Les victimes
A l’ordre et
l’élégance du début succède une impression de chaos.
La mort est
omniprésente : « mort », « mourir », « donner la
mort »…
Ce n’est pas une
mort abstraite.
Les exactions
commises sur les civiles sont présentées sous la forme d’une série de participe
passé qui montre que les actions sont subies.
L’assonance en
« é » (« criblé, éventré, à demi brûlé ») crée un effet de
rime et accentue l’horreur par cette reprise obsessionnelle.
Selon le même
procédé d’accumulation, il y a des détails anatomiques macabres :
cervelles répandus, mamelles sanglantes…
La précision de
cette description suscite l’horreur et l’indignation.
Pour compléter ce
tableau pathétique, le texte insiste sur l’idée que la violence n’épargne
personne et sont donc évoqués successivement les êtres faibles, sans défense,
qui pâtissent de la guerre : vieillard, femmes, enfants, filles.
- Une cruauté universelle
Cette cruauté n’est
pas le fait d’une armée particulière. Elle est la conséquence obligée de la
guerre.
Candide rencontre
dans les deux camps la même atrocité.
La rime en
« ar » dans las noms des belligérants souligne la symétrie de la
cruauté et son universalité.
On peut relever un
parallélisme sur les actions des deux armées.
Conclusion
au II.
C’est ici en
suscitant l’émotion du lecteur que Voltaire condamne l’horreur de la guerre.
III.
Une dénonciation efficace
Si le registre
pathétique contribue à rendre la guerre condamnable, c’est l’ironie qui va
achever la dénonciation de la guerre en démontant tous les mécanismes qui
pourraient la justifier.
- Deux points de vue
Il y a dans le texte
coexistence de deux visions inconciliables :
D’une part, la
représentation théâtrale et de l’autre le réalisme de l’horreur.
L’oxymore
« boucherie héroïque » amorce une satire violente.
L’héroïsme guerrier
est une fausse valeur associée à un terme dévalorisant qui montre la réalité de
la guerre.
- L’impossibilité d’une justification
à la guerre
Il y a une allusion
aux lois du droit de la guerre, associée dans la même phrase à des massacres
civils.
Cela rend ce droit
inepte. Le côté inacceptable de la guerre rend hypocrite toute loi qui viserait
à le codifier.
De plus, les héros
sont associés à des actes d’une violence coupable sur des êtres sans défense.
Le mot héros est ainsi cité 2 fois dans le texte : « Les filles
éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros » et « Les héros abares l’avaient traité de
même. ».
Or, il n’y a rien
d’héroïque dans ces actes.
Cela signifie donc
qu’il n’y a pas de héros à la guerre.
- Dénonciation de la religion
Voltaire s’en prend
à la religion car elle sert de légitimation aux atrocités commises par les
rois. Ceux-ci font en effet chanter un « Te Deum » juste avant la
bataille pour remercier D ieu.
Il déplore donc que
la religion soit associée à des massacres.
La religion n’est
pas digne de foi puisqu’elle se fait complice de toutes les infamies. Elle sert
de caution aux horreurs de la guerre. Cela replace la guerre dans la logique
d’une intervention divine.
- L’humour
Voltaire se moque de son héros et même de lui-même en disant
« Candide tremblait comme un philosophe » (l 10).
Voltaire rappelle à cette occasion que c’est surtout pour s’en moquer et
le tourner en ridicule.
Il y a de nombreuses marques d’ironie dans le texte qui montrent le côté
humoristique du texte. On voit en effet « les canons » qui se
glissent dans les instruments de musique. De plus, on remarque « une
harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer.
On voit également l’utilisation de périphrase euphémistique, comme par
exemple « ôta du meilleur des mondes » (l 6), « renversèrent » (l 5)
signifie tuer, et « alla raisonner ailleurs » (l 15) signifie
déserter.
Malgré les horreurs auquel il assiste, Candide reste habité par son
paradis terrestre de Thunder-ten-tronckh, et par Cunégonde.
Il met Cunégonde sur le même plan que tout ce qu’il vient de vivre.
Conclusion au III.
Voltaire rappelle sans cesse que même s’il adopte une vision idéalisée de
la philosophie de Candide pour des raisons d’efficacité argumentative, il n’y
adhère pas.
Conclusion
Générale
Le chapitre 3 de
Candide est un passage qui peut se lire de 3 façons différentes :
-
Dans la perspective
narrative des aventures de Candide, il constitue un épisode douloureux qui
confronte le héros au problème de la guerre.
-
Dans la perspective de la
démonstration philosophique menée par Voltaire, il se révèle comme l’apparition
du mal dans le meilleur des mondes.
-
Dans une perspective
idéologique, il témoigne du souci de Voltaire de combattre toutes les formes
d’atteintes aux droits de l’homme.
Il collabore ainsi aux
mouvements des Lumières qui dénoncent la guerre comme une barbarie contraire
aux progrès de la civilisation.
0 Commentaires