La Boite à Merveilles la scène de bain maure




Fiche pédagogique




La Boite à Merveilles   la scène de bain maure

Module
La Boite à Merveilles 
Séquence : 3
Niveau 1ère  année
Activité
Etude du texte 
Durée
2 h 
Objectifs
·         Identifier le rôle du discours dans un texte narratif  
·         Dégager les sentiments du narrateur enfant envers un lieu
Support
·         L’école était à la porte ….. de violents maux de tête
Déroulement de la séance :


1.     Le passage

L'école était à la porte de Derb Noualla. Le fqih, un grand maigre à barbe noire, dont les yeux lançaient constamment des flammes de colère, habitait la rue Jiaf. Je connaissais cette rue. Je savais qu'au fond d'un boyau noir et humide, s'ouvrait une porte basse d'où s'échappait, toute la journée, un brouhaha continu de voix de femmes et de pleurs d'enfants. 
La première fois que j'avais entendu ce bruit, j'avais éclaté en sanglots parce que j'avais reconnu les voix de l'Enfer telles que mon père les évoqua un soir.
 Ma mère me calma : 
- Je t'emmène prendre un bain, je te promets un orange et un œuf dur et tu trouves le moyen de braire comme un âne !
 Toujours hoquetant, je répondis :
- Je ne veux pas aller en Enfer.
Elle leva les yeux au ciel et se tut , confondue par tant de niaiserie. 
Je crois n'avoir jamais mis les pieds dans un bain maure depuis mon enfance. Une vague appréhension et un sentiment de malaise m'ont toujours empêché d'en franchir la porte. A bien réfléchir je n'aime pas les bains maures. La promiscuité, l'espèce d'impudeur et de laisser-aller que les gens se croient obligés d'affecter en de tels lieux m'en écartent. 
Même enfant, je sentais sur tout ce grouillement de corps humides, dans ce demi-jour inquiétant, une odeur de péché. Sentiment très vague, surtout à l'âge où je pouvais encore accompagner ma mère au bain maure, mais qui provoquait en moi un certain trouble. 


Dès notre arrivée nous grimpâmes sur une vaste estrade couverte de nattes. Après avoir payé soixante quinze centimes à la caissière nous commençâmes notre déshabillage dans un tumulte de voix aiguës, un va-et-vient continu de femmes à moitié habillées, déballant de leurs énormes baluchons des caftans et des mansourias, des chemises et des pantalons, des haïks à glands de soie d'une éblouissante blancheur. Toutes ces femmes parlaient fort, gesticulaient avec passion, poussaient des hurlements inexplicables et injustifiés.
Je retirai mes vêtements et je restai tout bête, les mains sur le ventre, devant ma mère lancée dans une explication avec une amie de rencontre. Il y avait bien d'autres enfants, mais ils paraissaient à leur aise, couraient entre les cuisses humides, les mamelles pendantes, les montagnes de baluchons, fiers de montrer leurs ventres ballonnés et leurs fesses grises.
 Je me sentais plus seul que jamais. J'étais de plus en plus persuadé que c'était bel et bien l'Enfer. Dans les salles chaudes, l'atmosphère de vapeur, les personnages de cauchemar qui s'y agitaient, la température, finirent par m'anéantir. Je m'assis dans un coin, tremblant de fièvre et de peur. Je me demandais ce que pouvaient bien faire toutes ces femmes qui tournoyaient partout, couraient dans tous les sens, traînant de grands seaux de bois débordants d'eau bouillante qui m'éclaboussait au passage. Ne venaient-elles donc pas pour se laver? Il y en avait bien une ou deux qui tiraient sur leurs cheveux, assises, les jambes allongées, protestant d'une voix haute, mais les autres ne semblaient même pas s'apercevoir de leur présence et continuaient leurs éternels voyages avec leurs éternels seaux de bois. Ma mère, prise dans le tourbillon, émergeait de temps en temps d'une masse de jambes et de bras, me lançait une recommandation ou une injure que je n'arrivais pas à saisir et disparaissait. Devant moi, dans un seau vide, il y avait un peigne en corne, un gobelet de cuivre bien astiqué, des oranges et des œufs durs. Je pris timidement une orange, je l'épluchai, je la suçai pendant longtemps, le regard vague. Je sentais moins l'indécence de mon corps dans cette pénombre, je le regardais se couvrir de grosses gouttes de sueur et je finis par oublier les femmes qui s'agitaient, leurs seaux de bois et leurs voyages inexplicables autour de la pièce. Ma mère fondit sur moi. Elle me plongea dans un seau d'eau, me couvrit la tête d'une glaise odorante et malgré mes cris et mes larmes me noya sous un flot d'injures et de feu. Elle me sortit du seau, me jeta dans un coin comme un paquet, disparut de nouveau dans le tourbillon. Mon désespoir dura peu, je plongeai la main dans le seau à provisions et je pris un œuf dur, gourmandise dont j'étais particulièrement friand. Je n'avais pas encore fini d'en grignoter le jaune que ma mère réapparut de nouveau, m'aspergea alternativement d'eau bouillante et d'eau glacée, me couvrit d'une serviette et m'emporta à moitié mort à l'air frais sur l'estrade aux baluchons. Je l'entendis dire à la caissière :
 - Lalla Fattoum, je te laisse mon fils, je n'ai pas eu encore une goutte d'eau pour me laver. 
Et à moi :
 - Habille-toi, tête d'oignon ! Voici une orange pour t'occuper.
 Je me trouvai seul, les mains croisées sur mon ventre en flammes, plus bête que jamais au milieu de toutes ces inconnues et de leurs fastueux baluchons. Je m'habillai.
Ma mère vint un moment m'entourer étroitement la tête dans une serviette qu'elle me noua sous le menton, me munit de toutes sortes de recommandations et s'engouffra dans les salles chaudes par cette porte qui me faisait face et d’où s’échappaient toutes sortes de rumeurs.
J’attendis sur l'estrade jusqu'au soir. Ma mère finit par venir me rejoindre, l'air épuisé, se plaignant de violents maux de tête.
Vocabulaire :
·         Braire : Pousser son cri, en parlant de l'âne.
·         Tumulte : agitation, grand mouvement de désordre aussi bien sonoreque physique.
·         Indécence : Caractère de ce qui est inconvenant.


2.      Etude du paratexte
Titre de l’œuvre
Genre
Auteur / siècle
Courant littéraire
La Boîte à Merveilles

Roman autobiographique
Ahmed Sefrioui
20ème siècle
Littérature maghrébine d(‘expression française

3.     Situation du texte
Le texte vient juste après l’incipit, où le narrateur présente le cadre spatio-temporel et l’un des thèmes phare de l’œuvre : la solitude.




4.     Les axes de lecture    
a.                      Récit et discours :
Dans le roman autobiographique «  La boîte à Merveilles », discours et récit sont combinés. Alors quelles sont les spécificités de chaque mode d’énonciation ?
Discours
Récit
temps
Organisés autour d’un présent de l’énonciation ( passé composé, futur simple )«  Je crois n’avoir jamais mis les pieds dans un bain maure » «  Je ne veux pas aller en enfer »
Enoncé ancré dans la situation de l’énonciation
Temps du récit : imparfait, passé simple, présent de la narration«  Dès notre arrivée nousgrimpâmes sur une vaste estrade…toutes ces femmesparlaient fort »

Enoncé coupé de la situation de l’énonciation
Narrateur
«Je » narrant – narrateur adulte (L’auteur  Ahmed Sefrioui)
«  Je » narré – Enfant de six ans ( Sidi Mohammed)
Fonction du narrateur
Expliquer , clarifier et commenter le récit
Raconter l’histoire

b.           l’enfant face au bain maure
·         Le bain maure nous est présenté à travers le regard innocent mais indiscret d’un petit enfant (Sidi Mohammed), celui-ci ne cache pas le sentiment de dédain, de dégout et de peur que lui inspire ce lieu sinistre qu’il assimile déjà à l’Enfer.
·         Le sentiment de dédain éprouvé par les deux narrateurs du roman trouve son origine dans « la promiscuité, l’espèce d’impudeur et de laisser aller » des femmes dans le bain maure, la nudité est pour eux un péché «  Je sentais sur tout ce grouillement de corps humides, dans ce demi jour inquiétant une odeur de péché ».
·         La description faite  du corps dans le passage laisse apparaître toute sa laideur : « cuisses humides – mamelles pendantes- ventres ballonnés- Fesses grises– Je sentais moins l’indécence de mon corps. »

4-      la solitude
·         La nudité, les regards curieux des femmes et la différence par rapport aux autres enfants rencontrés dans le bain exacerbe la solitude du narrateur « Je me sentais plus seul que jamais », le sentiment de la solitude se mêle à la bêtise ; le narrateur se sent rabaissé aux rangs de ces êtres effrontés et impudents ( femmes et enfants) «  Je me trouvai seul, les mains croisés sur mon ventre plus bête que jamais au milieu de toutes ces inconnues et de leurs fastueux baluchons ».
·         Les figures de style :
Figure de style
Exemple
La comparaison
« … et tu trouves le moyen de braire comme un âne »
La métaphore
« Je sentais … une odeur de péché »« les personnages de cauchemar »
La synecdoque
« … émergeait de temps en temps d’une masse de jambes et de bras »
L’hyperbole
«  Les montagnes de baluchons »

·         Les champs lexicaux :
o   Champ  lexical des habits : Haïks, mansouria, caftans, chemises, pantalons
o   Champ lexical du corps : Jambes, bras, mamelles , cuisses, fesses, ventres, mains, tête…
o   Champ lexical du bruit : parlaient fort, hurlements, voix haute, tumulte de voix aigues… ( Le narrateur est particulièrement sensible aux bruits)
·         Le point de vue narratif  ( Interne) : Le narrateur est lui-même le personnage principal, il décrit et rapporte les événements tels qu’il les a vécus, Le narrateur est fortement impliqué dans son récit.

 



Enregistrer un commentaire

5 Commentaires

  1. la description est elle valorisante dans le passage compris du ''des notre arrivée... jusqu’à ............une amie de rencontre '' .A mon avis , je présume que c'est vrai

    RépondreSupprimer
  2. Réponses
    1. La scène du bain maure dans le 1er chapitre

      Supprimer